Manuel el Negro de David Fauquembert

Fernanda de Utrera con Diego del Gastor (1973) | Morón, juni… | Flickr

Le douzième et dernier article de notre site En suivant l’équateur est dédié à l’art du flamenco.

Le roman Manuel el Negro, de David Fauquemberg, célèbre cet art qui est à la fois solidement ancré à la terre, intimement lié aux rythmes vitaux,  émotions et tragédies humaines, et parfaitement aligné avec la verticale.

Ecrire un roman sur le flamenco n’est pas une mince affaire, car le flamenco est un art qui ne se raconte pas mais qui se vit, une vision du monde indissociable de l’air qu’on respire. Un roman « flamenco » partira du chant, et le compas –  le rythme – s’imposera tout naturellement  : « Le corps des flamencos devenait instrument ». La guitare viendra consacrer le tout : « La nudité du chant suffisait bien, la chaleur d’une guitare, le soutien discret des palmas. C’était le son du flamenco. » p.240

Le roman Manuel el Negro de David Fauquemberg, ponctué par les letras qui inlassablement nous ramènent au chant et à sa poésie, nous invite à vivre avec les personnages Manuel el Negro et Melchior de la Peña, guidés par leur vieux maître el Seco, leur rêve flamenco. « Quand il vous racontait, Seco, c’était comme un rêve à voix haute. Il vous fixait droit dans les yeux pour en chasser le doute. Son histoire était vraie. Imaginer n’est pas mentir, il n’y a rien d’aussi extravagant que la vie même. » p.44

« Ce fou raconte des histoires

Pas un mot de vrai dans sa bouche

Ni un mensonge, allez savoir » p.273

Références et remerciements :

Manuel el Negro de David Fauquemberg,  éditions Fayard, 2013

Photo : Fernanda de Utrera et Diego del Gastor
(site : loscaminosdelcante.com)

L’auteur

Né en 1973, David Fauquemberg, romancier, vit aux Etats-Unis et dans le Cotentin. Il est également traducteur (anglais et espagnol), et journaliste-reporter spécialisé dans les voyages. David Fauquemberg, aficionado connaisseur et passionné de flamenco, a fait de très nombreux voyages en Andalousie où il a pu vivre le flamenco auprès des flamencos de Jerez et d’ailleurs.

Melchior, Manuel et les flamencos

Melchior de la Peña, le narrateur, est l’ami d’enfance de Manuel el Negro. Leurs destins sont liés : « En vous parlant de Manuel, je vous parlerai de moi. » p.9  Manuel, exubérant, chante, Melchior, discret, l’accompagne à la guitare : « Le chant vous livrait l’homme. Je l’accompagnais, voilà tout. » p.10 Manuel el Negro est l’histoire de leur amitié nourrie de leur passion commune pour le flamenco. Manuel est un gitan de Jerez, Melchior, originaire d’un village pauvre de la Sierra, est un payo (non gitan) qui a grandi dans le même quartier gitan de Jerez, orphelin élevé par un amie de la famille, et rempli d’une tristesse qui ne le quitte pas.

« Une grande peine m’étreint

Et je l’emporterai en terre

Sans jamais la dire à personne. » p.11

Manuel el Negro nous conte aussi la grande époque du flamenco, de Jerez à Séville, puis Madrid, et jusqu’à New-York et Tokyo, dans les années 50 à 90. Pour cela, le roman nous entraîne aux sources du flamenco, à Jerez de la Frontera en Andalousie, dans le barrio de Santiago, l’un des deux quartiers gitans de Jerez : calle Nueva,  plaza de Santiago,  rue du sang (actuelle calle Taxdirt).  Tous les flamencos célèbres de l’époque sont conviés. S’ils ne participent pas au récit en tant que personnages à part entière, leur mémoire est vivante, vibrante, glorifiée par les anciens qui se racontent leurs histoires, d’anecdote en anecdote. Ce sont eux qui transmettent au plus jeunes l’art du flamenco.

La liste est longue, des plus anciens aux anciens : Paco la Luz, Tomas el Nitri, Mateo le fou, Tio José de Paula, Juanichi el Manijero, Manuel Machado le poète, El Seco, Manuel Torre, Antonio Frijones, Juan Talega, Niño Glorio, Tomas Pavon, la Piriñaca, Rafael de Aguila, Pepe Marchena, Manolito de María, Tio Parilla de Jerez, Niño Ricardo, Tia Juana la del Pipa, Melchor de Marchena, Diego del Gastor, Tio Juane, Manolo Caracol, Lola Flores, Agujetas le vieux, Rafael Romero, Tio Borrico, Manolo Fregenal, Perrate de Utrera, Fernanda d’Utrera, Chano Lobato, Pepe Rios, Terremoto, Gaspar de Utrera, Farruco, jusqu’aux plus jeunes : Antonio Gades, Manolo Sanlucar, Paco de Lucia, Pedro Bacan, Manuel Molina, Joaquin et Luis el Zambo, Moraito, Rafa, el Bo ou Chicharo. Tous ces noms sont familiers à qui connaît l’art et l’histoire du  flamenco.

Il ne manque véritablement que les grands cantaors, Camaron de la Isla, ou El Torta, dont la mémoire rayonne pourtant, d’autant plus vive, au travers du personnage de Manuel el Negro.

Manuel el Negro et Melchior de La Peña, inséparables depuis l’enfance, ont grandi parmi ces vieux flamencos. Ils se sont nourris de leurs chants, de leurs histoires, se sont imprégnés depuis leur plus jeune âge du compas et des falsetas des guitaristes. Lorsqu’adultes ils partent ensemble à Madrid,  c’est pour se produire dans un autre lieu mythique du flamenco, los Canasteros, le célèbre tablao du cantaor Carracol, dans la calle Barbieri. Ils logent calle Huertas, dans le barrio de Santa Ana, « le quartier le plus flamenco de Madrid. » p.157. Du premier au dernier mot l’atmosphère de Manuel el Negro est au flamenco, à la soléa, au chant profond qui décolle de la chaise celui qui l’entend. Melchior, dit « Gordo » depuis sa jeunesse alors qu’il a depuis longtemps perdu ses kilos en trop, a toujours été un homme du silence : « Les mots, voyez, disent si peu, ils ne servent souvent qu’à créer des malentendus. » p.166  Il ressemble en cela à Tío Bernardo,  le père de Manuel, qu’il admire tant  : «  Il préférait se taire plutôt que d’offenser. » p.20 

Si Melchior ne parle pas,  il aime lire, comme son professeur de guitare Rafael de Águila, un passionné de littérature, et plus encore de poésie : « Cet ensorcellement, il me l’a transmis à son tour, je n’ai jamais cessé de lire. » p.89Manuel admire le savoir  de son ami : « Tu étais là, tu me guidais, tu savais tout du chant, les mille et cent histoires…Je me suis souvent demandé comment tu pouvais être mon ami et savoir tant de choses ! …Tous ces livres que tu as lus. » p. 290

Melchior de la Peña ressemble peut-être à l’auteur, le romancier passionné de flamenco et de littérature. David Fauquembert décline avec art les émotions ressenties par ses personnages, dans un rythme très flamenco, ponctué de letras douloureuses, tragiques et sages. Le texte s’achève, comme la vie de Manuel, sur le douzième temps. Le récit entier est expérience humaine, la nature reste à l’écart dans ce roman-là. Seul un chardonneret s’époumone sur sa branche et rappelle Manuel à l’ordre, lorsqu’à bout de force et négligé, il se ressaisit enfin pour vivre avec force et intensité ce qui sera son dernier chant.

Les gitans et le flamenco

 Qu’est-ce que le flamenco ? « Le flamenco naît de la fatiga, la douleur d’être, du labeur qui ne paie jamais. » p.12C’est un art dont on entend la douleur originelle : « A l’oreille, pour qui en a, l’origine se fait entendre. »p.12

« Le flamenco est la culture d’un peuple qui travaille. » p.12 Ce peuple, c’est le peuple gitan d’Andalousie, depuis toujours persécuté, dont la sensibilité a donné naissance à cet art unique qui puise aux sources de la vie même, ancré au plus profond de la terre andalouse où il s’est installé et de sa culture musicale métissée :  « Comme je le vois, l’art naît de la vie, il puise à cette source, quand la légèreté qui triomphe aujourd’hui en divertit les hommes.» p.100 Les Gitans sont un peuple qui a souffert : « Être gitan, je lui ai dit, c’est une émotion. » p.325 « Chacun va seul en ce monde. Nous, les gitans, plus encore. » p.313 

Le flamenco est l’expression de cette souffrance : « Nous autres les Gitans, la plainte nous vient sans efforts, on cherchera toujours la douleur dans notre art. » p.325 L’histoire du peuple gitan a modelé sa sensibilité : « Le don d’écoute et d’attention que les gitans possèdent, je ne sais pas d’où ça leur vient, peut-être la nécessité de survivre toujours en terre étrangère, d’apprécier la situation au premier coup d’œil. » p.78 Cette sensibilité se clame en quelques vers, parfois en un seul souffle, dans des couplets courts transmis par le chant d’une génération à l’autre :  « Nous autres, les Gitans, on a les sens ouverts en grand, le soleil nous remplit, le vent et l’eau, tout autant qu’un poème ou une soléa. » p.319 « Aucun qui sache écrire, ils n’avaient que le chant. » p.60

Les gitans sont mal vus : « Je sais ce qu’on dit. Fils du démon, voleurs de poules. Les gitans, notre race est noble, nous sommes innocents dans le fond. Ce qui arrive, on le ressent plus fort, tout nous effraie, on sanglote d’un rien. Parler, on ne sait pas. » p.311 Les gitans font cependant rêver le temps d’une fête : « Au fond, rien n’a changé. Les jours de féria tout le monde veut être gitan, parader dans nos robes, goûter la beauté de nos femmes , nos danses et nos chants…Mais on ne nous pardonne rien, la moindre faute nous condamne, on accuse : « C’est un gitan ! » p.312 

Manuel, comme tous les gitans, est très attaché à la pureté de ses origines :« La pureté, je l’ai en moi. C’est dans le sang. Nous les gitans, on naît avec. Et gitan je le suis par les quatre côtés, gitan de pure souche, ma race est restée sans mélange. » p.318 Melchior est un payo, un gatcho : « mais à Santiago, je ne me suis jamais senti étranger. » p.13 Il ne s’est jamais senti exclu par les gitans « Je ne me mets pas là dedans. »p.15 qui l’ont toujours accepté comme l’un des leurs : « Melchior de la Peña, c’est un vrai flamenco. » p.37Manuel lui dira : « Tu es plus gitan que sept Gitans réunis ! » p.301

C’est que le flamenco ne s’apprend pas, c’est un art hérité des anciens, transmis au sein des familles, le soir dans les cafés, à chaque fête de famille, de génération en génération. Les jeunes apprennent des vieux : « Les gitans vous diront qu’on ne peut rien comprendre au flamenco avant de s’être emboraché huit cent nuits avec ceux qui savent. » p.139 Ceux qui savent sont les vieux flamencos : « Pour eux le flamenco était affaire de cabales, d’hommes entendus… » p.59 C’est auprès d’eux que Manuel et Melchior ont tout appris : « Tout ce que j’ai joué depuis, tout ce que je suis vient de là. »p.60 « Nuit après nuit nous buvions un savoir hérité de tous ceux qui avaient lutté pour honorer cet art, laisser derrière eux une trace. » p.146

Quelle est l’origine de cet art si respecté au sein des familles ? « J’ignore où ça commence. » p.263 disait le maestro Sabicas. Le vieux cantaor El Seco répondra : « Notre monde est ancien, chiquillo, nous sommes les ultimes survivants. » p.263 Cet art doit perdurer :  « Il faut tenir ferme, quillo, même si cela nous tue, entretenir les braises pour les remettre vives à ceux qui viendront. » p.272 Mais faire vivre le flamenco et le transmettre demande travail et persévérance : « Le secret de la réussite, dans cet art difficile, c’était l’aguante – la constance, lutter sans relâche. » Melchior s’y applique : « Être sincère, travailler dur et respecter son art. » p.197

« On ne peut hâter ce qui prend du temps » p.148 reste le secret de cet art qui dépasse l’entendement. « Ce dont je suis certain, c’est que l’art est pressentiment d’une force qui nous dépasse, elle échappe à l’entendement, nous devinons qu’elle est grandiose. » p.264 Manuel est né dedans : « Ce qu’il a, ça ne s’apprend pas. »p.37 Le rythme est en lui, il impressionne par sa danse bien avant de se mettre à chanter : « Ce gamin, le jour où la mort lui viendra, sûr qu’il tombera pile sur le dernier temps. Dix, onze ET… » p.16

Les gitans, maltraités depuis des générations, subissent de nombreuses persécution par les pouvoirs en place et se rebellent par la voie du flamenco qui leur donne la force de vivre. C’est leur manière de s’engager : « La politique, nous autres flamencos, nous n’en parlions jamais…C’est que les crie la faim avaient d’autres soucis. » « Mais vivre comme on vivait, c’était rébellion. » p.169Ils ne se laissent pas corrompre, on ne peut pas les acheter, l’argent ne les intéresse pas. La pureté de leur art est inestimable.  « L’argent pour les Gitans, porte en lui le mensonge. Monnayer l’art, c’était le perdre. » p.68 « La musique est trop belle pour en faire commerce »  p.146

« Tu dis que je ne te vaux pas

C’est que tu parleras d’argent

Car l’amour j’en ai plus que toi. »p.27

Vivre sans argent, c’est vivre libre : « Mieux vaut se coucher l’estomac vide que la conscience lourde. » p.166 . Manuel : « Je préfère aller seul que mal accompagné. » p.279 Tío Bernardo, le père de Manuel el Negro, voyait d’ailleurs d’un mauvais œil les professionnels du flamenco : « Notre chant est si pur, ils le compromettent . » Pepe Marchena disait: « Les pièces, si on les a dessinées rondes, c’est pour qu’elles roulent. » p.139 Manuel n’économisait rien : « Entre ses doigts, l’argent fondait. Il claquait tout la nuit dans les juergas, il ne rentrait jamais sans avoir vidé ses poches. » p.191 Le grand guitariste Diego del Gastor n’avait d’autre maître que son art : « Je déteste l’argent, je ne veux pas le voir. » p.146

« Deux plaideurs vinrent à l’audience

L’un disait le vrai, l’autre pas

La vérité sortit perdante

Car c’est l’argent qui l’emporta » p.169

Manuel est intraitable : « El Seco le dit mieux que moi : vivre riche, mourir sans le sou, il n’y a que ça à faire. » p.296 « Je ne dois rien à personne. Vous pouvez posséder tout l’argent qu’il vous plaît, ma faim, elle m’appartient. Et dans ma faim, je suis le maître. C’est ma seule fierté. Qu’il est bon de se sentir libre… » p.321

Le chant, la guitare

« Le chant ne se commande pas. » p.50 : Tout part du chant comme du souffle du premier cri. Pour Manuel , « La vie et le chant se confondent. D’abord on libère une plainte, on s’arrache sans réfléchir, en chemin on s’ajuste, on échauffe sa voix… » p.294

« Ne questionne pas pour savoir

Car le temps t’apprendra

Que rien n’est plus beau que cela

Ne pas questionner et savoir » p.63

Manuel apprend le chant en écoutant les vieux, sans le savoir. Il est né pour le chant « Ce qu’on a dans le sang, on ne peut rien y faire. » p.63 Pendant toutes ses jeunes années, avant de se mettre un jour à chanter, alors qu’il ne pensait qu’à la danse, il reproduit les mouvements les lèvres du cantaor, tel un double muet… « Il ne manquait plus que le son. » p.120 Les anciens maîtrisaient le chant « Les flamencos des champs, comme ils ouvraient la bouche…de ceux qui n’ont jamais vendu leur art, ils chantaient à fendre les pierres. » p.33 Dans les juergas, après avoir parlé,  « Toujours on revenait au chant » p.22

Les chants flamencos sont de courts poèmes qui disent les aléas de la vie.

« Je ne suis plus qui j’ai été

Ni celui que j’aurais dû être

Je suis un meuble de tristesse

Abandonné contre le mur »

Leurs paroles sont mémoire : « Je chante parce que je me souviens de ce que j’ai vécu. »p.61 disait le cantaor Manolito de Maria. Il en est de même pour la grande cantaora, la Piriñaca : « un seul couplet avait suffi à la soulager du fardeau. » p.37 Le chant est liberté : « L’art nous est nécessaire, c’est le plus sûr chemin vers la liberté. En dominant le chant, on rompt toutes les chaînes. » p. 319 Le chant est transmission : « L’écho, chez les Gitans, désigne l’instant rare où le cantaor se dépasse, où sa voix dit enfin autre chose qu’elle-même, transmet des sentiments si purs qu’ils vous retournent l’âme…la profondeur du chant, c’est tout le passé qui résonne. » Le chant de Tío José de Paula transporte celui qui l’écoute : « Son chant faisait des merveilles, il le disait d’un souffle. Les paroles, il les inventait dans l’instant, quatre vers suffisaient à vous geler le cœur. » p.38 Maîtriser le chant demande du temps : « Le chant, c’est après quarante ans qu’on commence à savoir le prendre, à lui donner du poids. » p.148

Le corps entier du cantaor magnifie le chant : « Quand il se sentait à son goût, Manuel chantait les yeux fermés, il s’aidait de ses mains, il agrippait les mots pour mieux les dire, il vous décollait de la chaise. » p.203 « Transmettre, tout est là, Manuel avait ce pouvoir, il disait l’injuste, l’amour ou bien la peine, et vous le ressentiez – physiquement. » p.203 Chaque concert demande au cantaor un effort renouvelé : « Tout reposait sur le chant, sur la capacité de Manuel à se mettre en jeu, soir après soir. » p.235 Manuel : « Chanter je ne le voulais pas. Nul ne connaît la peine que m’aura coûté cette joie. » p.288

Lorsque Manuel et Melchior sont enfants, les vieux du quartier chantent sans autre accompagnement que celui des palmas. Melchior découvre la guitare à la radio, sous la fenêtre de La Piriñaca qui écoute les cantaors célèbres  :« C’est là, sous la fenêtre de la Piriñaca, que la guitare a pris possession de ma vie. » p.74 « Le son de la guitare m’allait droit à l’âme. »p.76  Lorsqu’il a dix ans, Tío Bernardo lui offre sa première guitare, et pendant trois ans, Melchior suit les cours de son professeur Rafael de Aguila. Le reste, il l’apprend en accompagnant le chant. Melchior, qui connaît le succès avant Manuel, sait pourtant très tôt qu’il ne veut pas jouer seul : « Tout vient du chant, Melchior, tu n’y arriveras pas seul. » p.114 lui dit Tío Bernardo qui désire le voir accompagner Manuel.  Il accepte ce qu’il considère comme son destin : « Je n’avais pas le choix, servir le chant était ma condition. »p.95 « Le chant profond me nourrirait, purifierait mon jeu. »p.115Melchior a l’avantage sur les autres d’être à l’écoute et modeste à la fois :  « Les vieux m’appréciaient car je n’empiétais pas, je restais à ma place, je savais les mettre en valeur. »p.95Son jeu est simple, débarassé de tous les artifices :  « Mes maîtres se nommaient Melchor de Marchena, Diego del Gastor » p.259

Il admire le jeu de Melchor de la Marchena : « Trois fois rien, il vous disait tout. » p.184 « Le flamenco, je le voyais comme une grâce inespérée qui vous prenait soudain au détour d’une phrase, deux notes suffisaient à vous transporter d’émotion, pourquoi en jouer vingt ? » p.259

Melchior parle peu et exprime ses émotions à la guitare : « Le grand art, on le sait, consiste à trouver l’équilibre avec les basses, sur quoi le reste repose – qu’elles ne soient ni pesantes ni étouffées par la brillance des aigus. Sans quoi la mélodie perd toute sa couleur, son épaisseur vient de ce qu’il y a dessous et qui résonne en elle. » p.256  Ainsi jouait Diego del Gastor :  « L’intensité du sentiment vous clouait sur la chaise. » p.259 « Mon pauvre jeu vient de là, il n’a rien de spectaculaire. Je m’en tiens aux accords majeurs, mineurs et septièmes, les trois piliers du flamenco. » p.260 Melchior joue à corde nue : « à cuerda pelá ».  « Je me suis bricolé un style, nul ne pourra me l’enlever. Il n’appartient qu’à moi, je prétends qu’il est classique quand ce terme aujourd’hui suffit à vous discréditer. C’est que je le conçois au sens où l’entendait Rafaël el Gallo : « Ce qu’on ne peut mieux faire…» p.260 Le jeu des virtuoses Niño Ricardo, Paco de Lucía ou Manolo Sanlúcar, qu’il admire pourtant, ne lui convient pas : « Ce n’était pas mon chemin. »

Manuel et melchior ne jouent pas seuls. Les palmeros sont le cœur battant du flamenco, le lien qui relie : « …un bon palmero vous rehausse le plat, il aide le chanteur à sortir ce qui doit, le remet dans le droit chemin, s’efface devant ses silences. » p.181 Avec les jumeaux de la Perlita qui les accompagnent aux palmas, ils forment un cuadro flamenco parfait. « Les jumeaux de la Perlita vous donnaient l’impression de penser en simultané. » p.179 « …D’un regard ils savaient ce que l’autre allait faire, prendre le contretemps, redoubler la cadence. » p.181

Le compas est le rythme qui vient du dedans. Chez les gitans comme chez les gitanes : « …ça palpite d’instinct !.. » p.181

Rocío, les flamencas et la danse

Les flamencas ne sont pas vraiment conviées, et la danse juste évoquée : « Cette gitane-là, quand elle dansait, c’était une estampe » p.25-26 (Tía Juana la del Pipa). Les gitanes n’ont pas droit à l’avant de la scène. L’épouse de Tío Bernardo, mère de Manuel, s’appelle « la Bernarda ». Melchior ne connaît pas son vrai nom. La célèbre Piriñaca, mère de sept enfants, ne pourra jamais chanter du vivant de son mari. A son décès elle sera pourtant obligée de nourrir sa famille « La rumeur de son talent n’a pas tardé à se répandre, on l’invitait partout, elle a gravé des disques magnifiques ».p35 Pour Melchior : « Si vous me demandez par où l’histoire a commencé, je penserai surtout à la Piriñaca, le premier soir où je l’ai entendue. » p.35 « Sa voix quand elle chantait se faisait rocailleuse, elle épousait les mots sans aucun artifice, à peine étirait-elle une syllabe ou deux pour cadrer la mesure, elle marquait les accents de son poing sur la table. »

« Contemple ma souffrance

Ma fatigue, contemple-la…

Car je contemplerai la tienne

Le soir où elle t’accablera » p.37

Une gitane est pourtant à l’honneur, elle s’appelle Rocío. Melchior la rencontre à Séville, alors qu’à seize ans il accompagne à la guitare les cours de danse du célèbre bailaor Pepe Ríos. « La première fois que je l’ai vue, le cœur m’est sorti par la bouche. Une grâce quand elle dansait, une tension de tout le corps et ses mains, deux oiseaux ». P.97 Melchior est tombé sous son charme et Rocío aime lorsqu’il l’accompagne à la danse : « Ton jeu me plaît, Melchior. Je danse mieux quand tu es là. Il m’entre une émotion, tout est plus naturel… » p.101Melchior s’effraie de ses sentiments pour Rocío. « L’amour, c’était pour moi ce qu’en racontaient les couplets anonymes – il n’y avait rien de plus tragique au monde que cette douleur sans remède, on n’en réchappait pas. » « L’affolement du cœur, toujours à contretemps, vous sapait la raison, il faisait espérer d’impossibles bonheurs, il n’était qu’illusion. » p.99 «Je ne vivais plus que pour ces deux heures, à Séville, où je pouvais enfin faire danser Rocio, l’emmitoufler de notes. N’étais-ce pas un langage plus puissant que celui des mots ? » p.100 Rocio aimerait danser plus tard, mais elle sait que ce ne sera pas possible : « Bueno, si mon père me laisse… »p.102

L’attirance est réciproque, mais Melchior est homme du silence. Persuadé n’avoir aucune chance car il n’est pas gitan « Je me sentais trop gros, trop maladroit » « son père me chasserait » p.104, il gardera secret son amour pour Rocio.  « Le silence est le pire des mensonges. J’ai mis longtemps à le comprendre. Rocío…Si j’avais nommé clairement ce que je ressentais pour elle, que serait-il advenu ? Le pouvoir qu’ont les mots, parfois. »p. 109 Accablé de tristesse, Melchior quitte alors Séville sans dire au revoir à Rocío. « L’amour emmuré de silence est le plus ravageur. » p.102 Il la retrouvera à un baptême à Jerez, en compagnie de son ami Manuel el Negro qui en tombera amoureux fou.

C’est avec Rocío que la danse entre véritablement dans le roman :

«Rocío s’est dressée, elle avait la colère aux lèvres. La scène était son territoire, qu’elle arpentait en cercles lents, le regard tourné vers le ciel, sa bouche articulait des malédictions inaudibles. Puis elle s’est immobilisée au centre de l’arène, nul ne viendrait l’en déloger. Cette tension de tout le corps, la cambrure de ses reins, les contours parfaits du visage, c’était la Rome antique, l’art grec, les temps anciens…Rocío s’est penchée de côté, elle a tendu les bras, ses poings s’ouvraient, se refermaient avec une lenteur insoutenable, au défi du compas – elle avait suspendu le temps. Ses lèvres savouraient des « Olé… » langoureux. Soudain, elle s’est précipitée dans une volte si rageuse qu’elle en a perdu l’œillet rouge fiché dans son chignon, ses cheveux se sont libérés, elle a remonté sur ses cuisses l’ourlet de sa robe, elle s’est lancée dans un zapateado d’une rage insensée, ses pieds battaient le sol à rompre les pavés, d’une gifle elle écartait les mèches tombées sur ses yeux, elle les prenait à pleine main, tirait à se les arracher. » p.125

La rencontre de Manuel et Rocío est spectaculaire. Le chant que Manuel avait jusqu’à présent retenu jaillit enfin pour Rocío : « Manuel avait une voix à fissurer les murs et pourtant si sensible, traversée de mille nuances… » p.128 Par son silence, Melchior lui a véritablement cédé la place et, encouragé par la foule, il l’accompagne à la guitare. « J’étais désemparé. Je vibrais plus que tous les autres au chant de mon ami, mais il s’était dressé entre la vie et moi. » p.136 La foule acclame Manuel. C’est son tout premier chant qui restera dans l’histoire.  « …Il a déposé un baiser sur sa main. Sans mot il a fait volte-face, il s’est arrêté devant moi pour m’embrasser le front. » p.131 Les deux hommes restent soudés par leur amitié. Ils se comprennent et feront carrière ensemble. Melchior gardera en lui la tristesse qui l’accompagne depuis l’enfance.

« J’étais au pied de l’amandier.

Et je n’ai pas cueilli la fleur. » p.132

Suivront les fiançailles de Manuel et Rocío au lendemain desquelles Manuel et Melchior partiront pour Madrid, puis le mariage, et la naissance de Manolito qui sera tocaor comme Melchior. Après le mariage, Rocío ne dansera plus que dans les fêtes de famille. Melchior ressent la même émotion à chaque fois qu’il la revoit chez son ami Manuel.  « Elle m’embrassait sur la joue, j’avais peine à cacher mon trouble, l’odeur de ses cheveux me montait à la tête. Depuis son mariage, elle ne les portait plus qu’en un chignon austère, sans une mèche libre, elle dissimulait sa beauté sous une robe sombre, un grand tablier gris – c’était peine perdue. » p.219 Elle parlera souvent de Melchior à Manuel, et se réjouira de ses visites. « Qu’étaient devenus ses rêves d’artiste, quand elle me demandait de l’accompagner sur la scène…Nous n’en avons jamais parlé. Manuel, je l’ai compris, voyais d’un mauvais œil cette idée de carrière. Rocío ne dansait plus que dans les fiestas familiales. Sa place était à la maison. La vie avait choisi pour elle. » p.221

Pendant de longues années, Melchior et Manuel poursuivront leur rêve flamenco et rencontreront le succès sur les scènes du monde entier. Lorsqu’ils sont de retour, les disputes éclatent entre Manuel et Rocío, délaissée, restée seule avec son fils Manolito dans une grande villa sur la côte. « L’amour n’existe pas »…dira Manuel à Melchior… « bien sûr, on se l’invente à chaque fois, les matins de borrachera. L’ivresse passe, avec elle les sentiments…l’amour naissant a des parfums d’éternité, le temps s’en amuse, il lui dit :

« Ta belle superbe, vois-tu, je saurai en venir à bout. »

Rocío, lassée de ses infidélités, finira par quitter Manuel. Elle décide de rentrer à Séville et ose demander à Melchior de l’accompagner. « Rien n’est perdu, il est encore temps. » p.285Le refus de Melchior déclenche la colère et l’incompréhension de Rocío. Sa réponse est sans appel et le soulage d’un fardeau emmuré dans le silence : « Manuel est mon ami – je n’ai pas réfléchi, les mots me sont sortis tout seuls. Mais en les prononçant, je m’y suis reconnu, pas une fois je ne m’étais senti aussi sincère, ma parole exprimait ce qu’il y avait de plus profond. Si la vérité existe, je crois qu’à cet instant je m’en suis approché. » p.287

Le choix de l’amitié lui redonne le goût de vivre.

L’amitié

Manuel el Negro est véritablement l’histoire de l’amitié de deux hommes liés à vie par le flamenco. « Un ami, disait le poète, c’est soi-même sous un autre cuir. En vous parlant de Manuel, je vous parlerai de moi. » dit Melchior, le narrateur.  Melchior raconte sa propre vie indissociable de celle de son ami d’enfance. « Manuel et moi, c’est l’histoire de cette amitié. » p.14 Lorsqu’ils décident de jouer ensemble, Manuel au chant, Melchior à la guitare, leur vie est annoncée : « Je n’étais plus seul désormais, cette histoire, nous allions l’écrire ensemble. » p.138 Leur amitié ne s’encombre pas de mots : « Il chantait, je jouais, c’était une conversation ininterrompue, sans obstacle. »p.166 « Notre art s’était forgé au feu de l’amitié. » p.209 Le résultat est leur succès mondial: « Nous n’avons rien volé – c’était le fruit d’un long travail. » p.223 « Il se tournait vers moi, il disait ce couplet :

En chemin je l’ai rencontré

Nous sommes devenus frères

Je l’ai invité à monter

Sur la croupe de mon cheval »

« Vous n’imaginez pas l’écoute, l’amitié qu’il y avait entre nous.» p.233 Leur succès leur permet de vivre de leur art. Manuel : « Toi et moi, tous les deux, il n’y avait pas plus forts. On ne se parlait pas, à ma respiration tu comprenais comment j’étais. » p.290 Mais après de longues années, les tournées épuisent Manuel : « Le plus surprenant n’est pas que Manuel ait fini par céder, mais qu’il ait tenu si longtemps. Le chant se nourrit de la vie – celle que menions était devenue aberrante, bien pauvre en vérité, détachée du réel. Dix ans que nous errions sur les routes du monde, six mois au Japon, trois semaines en France, un soir à Helsinsky, Moscou le lendemain, sans rien voir de ces lieux que nos chambres d’hôtel, notre loge et la scène. » L’alcool et la drogue feront le reste et brutaliseront leur amitié « …ces substances-là nous faisaient regretter le vin de l’amitié, celui qui apportait le chant, rapprochait les êtres. » p.237

Une dispute éclatera suite à un concert pitoyable à New York. Melchior ne supporte plus l’état de son ami qui ne respecte plus l’art, le chant profond, la soléa : « Cette soléa qu’il avait daigné m’accorder au deuxième rappel….jamais il ne l’avais négligée à ce point, à croire qu’il le faisait exprès, je le vivais comme une insulte. » p.250 Melchior furieux quitte New York et laisse Manuel seul. De retour dans le quartier de Santiago, il retrouve le chant profond : « J’ai pris ma musique, je l’ai emmenée où on l’aimait encore. Le chant profond avait regagné l’ombre. » p.27 Mais après avoir vainement essayé de travailler dans la solitude, il arrête de jouer. « J’avais présumé de mes forces. Je n’avais pas l’âme d’un soliste. »  « J’étais désemparé sans lui. Au fond, je n’avais rien à dire. » p.264 C’est le vieux el Seco qui viendra le chercher et lui redonnera goût à la vie. Melchior se met alors à enseigner, il adopte les principes de son maître Rafael del Aguila. « Je me sentais enfin utile. » p.275

Pendant ce temps, les bruits les plus fous courent sur la déchéance de Manuel el Negro. De retour à Jerez, méconnaissable,  Manuel donne un concert catastrophique. Melchior s’en veut de l’avoir laissé tomber. Manuel disparait à nouveau, ne vient pas à l’enterrement de son père, et ce n’est qu’à son retour qu’ils se retrouveront pour un dernier concert alors que Manuel, malade, se sait condamné : « Je veux remonter sur la scène avec toi » p.329 « Rien que toi et moi comme au temps où nous avions faim… » p.334

Manuel a tellement grossi et Melchior maigri que tous deux font échange de costume : « Le costume de manuel semblait taillé pour moi, il était à l’aise dans le mien. » p.341 Les deux hommes ne font plus qu’un : « Je jouais sans savoir, les notes ne m’appartenaient plus, la caisse de ma gerundina entrait en résonance avec la voix de Manuel, j’étais devenu chant, il était ma musique – deux âmes à l’unisson. » p.362 Dernier concert : « J’ai le cœur à la soléa, Gordo, une soléa lente et profonde à la Fernanda d’Utrera….Je veux finir comme ça… »  « Ces mots, j’en avait rêvé si souvent – toute une vie à espérer.» p.356

« Les hommes accablés de tourments

La douleur se lit sur leurs traits

Et moi qui m’étouffais dedans

Personne n’a rien remarqué »

Ce dernier concert sera un succès.

Le flamenco est-il un rêve ?

Melchior doute parfois de l’art qui les unit : « Et si nous vivions d’illusion ? » « Ce qu’on vit ça n’existe plus – alors on l’imagine ? » p.269

« Tout ce temps, la vie m’égarait

Ce n’était qu’un rêve éveillé

Le passé ne revient jamais » p.60

El Seco, l’ancien devenu personnage de roman, répond : « Je la vois, l’illusion, elle n’est pas chez nous… » « Notre monde est petit, chiquillo, mais enfin c’est un monde…Si nous y croyons, il existe. Le chant n’a qu’un chemin, une vérité – ce songe-là vaut mieux que la renommée mal acquise… » p.271 Le flamenco ressemble pourtant à un rêve où se retrouvent Manuel et Melchior : « La musique est sans équivoque, elle ne vous cache rien des sentiments de l’autre. Manuel était la partition, je l’interprétais, il n’y avait plus de distance, nous partagions le même rêve – je ne savais plus qui j’étais. » p.166 Melchior retrouve Manuel : « La nuit, il me parlait en songe. J’avais l’impression d’être lui. » p.288  Lorsque au chapitre onze Manuel resté seul à New-York prend véritablement la parole, comme une pause avant le dernier concert, il dit à Melchior :  « Tu me parlais dans mon sommeil, nous étions de nouveau ensemble. J’ai souvent repensé à ton histoire de rêve, que la vie n’est qu’un songe, qu’un jour on se réveille…J’aurais voulu te demander : si on faisait le même rêve, toi et moi ?…Un seul rêve pour deux. » p.306

« Qu’est-ce que la vie ? Une frénésie.

Qu’est-ce que la vie ? Une illusion,

Une ombre, une fiction…

Et le plus grand des biens est peu de chose ;

Car toute la vie est un songe

Et les songes, rien que des songes. » P.90

Manuel el Negro est une soléa

Le roman Manuel el Negro de David Fauquembert ressemble à ce chant profond dont la poésie interpelle la vaste palette des émotions humaines. Ce chant profond, la soléa, soulage Melchior de la tristesse et de la solitude qui l’étouffent :  « La solea dit l’homme tout entier, ses joies comme ses peines, on y rassemble dans un souffle l’amour et l’amitié, la trahison, la joie et la douleur de vivre. » p.88

« Celui qui n’a jamais pleuré

Qui jamais n’a connu la peine

Il vit heureux mais il ne sait

Si la vie est bonne ou mauvaise. »

Melchior le silencieux exprime à la guitare, ce qu’il ne sait dire autrement : « La soléa m’avait choisi, ses mélodies si pures, les rasgueos sensibles dont il faut l’enrober pour ne pas qu’elle se fane, ses arpèges si beaux qu’on les croirait tombés du ciel. » p.87 La soléa est véritablement son chant, son langage : « Il y avait dans ses harmonies une infinité de nuances, la possibilité de déloger des émotions enfouies au plus profond, dont on n’avait aucune idée. » p.87 Servir la soléa est son ambition : « Réduire la soléa à ce qu’elle avait d’essentiel, c’était mon obsession, je me suis acharné des mois à dépouiller mes falsetas. A la retombée des phrases, il n’y avait que le silence. » p.264 La soléa est le chant des anciens. Frijones le boucher «…donnait une soléa courte, douloureuse, il la disait tantôt d’un souffle, liée d’un bout à l’autre, tantôt il ménageait des pauses interminables – jamais deux fois la même. » p.55Tío Borrico : « Trois heures de soléas quasi sans respirer, sans répéter deux fois le même couplet. » p.65

Pour conclure

« Le chant ne disparaîtra pas, ce qui est bon perdure.» p.272

                              Le roman Manuel el Negro, de David Fauquembert, est le douzième et dernier chapitre d’un projet commencé en 2012 avec la lecture du tour du monde en suivant l’équateur de Mark Twain. Ce voyage de huit années autour du monde, dans le temps, les mots et les idées, se termine ici avec le bonheur incommensurable de rendre hommage, grâce à la littérature, à l’art du flamenco, qui nous ramène aux valeurs essentielles. « Les gens d’aujourd’hui s’affolent de ce qui est profond, ils tournent le dos à tout ça. » p.270

Nous vivons aujourd’hui en 2020 une époque plus qu’incertaine. Espérons que l’inquiétude qu’elle suscite incitera les hommes à cesser de tourner le dos à ce qui est profond. Il est temps de prendre le temps d’écouter « ceux qui savent » et de ne pas oublier ce qu’on ne cesse ici même de rappeler :

« On ne peut hâter ce qui prend du temps » p.148

J’étais pierre,  j’ai perdu mon centre

Et dans la mer on m’a jetée

A force de temps et de temps

Mon centre je l’ai retrouvé

P.Mathex

Paris, le 10/05/20